Interview de François Montmirel, auteur du livre "Les 200 citations favorites de Zemmour"
François Montmirel, bonjour. Jusqu’ici, on avait l’habitude de vous voir publier des livres sur les jeux, notamment le poker, le blackjack, les courses hippiques… Vous en avez écrit beaucoup depuis les années 1980. Vous avez aussi traduit les livres spirites de Conan Doyle, un livre de Lewis Carroll… On ne vous attendait pas sur le terrain d’Eric Zemmour.
Bien sûr je m’intéresse aux jeux, c’est ma passion, mais je suis à l’origine un passionné d’économie, d’histoire et de communication. C’est même ma formation. Mais je suis comme tout le monde, je suis attentif à ce qui se passe dans notre société, je me documente, je suis des débats. Or, depuis début 2021, je suivais régulièrement l’émission du soir « Face à l’info » de Christine Kelly sur CNews, où intervenait Zemmour. Il y avait quatre journalistes qui traitaient des sujets du jour, et je trouvais cette formule sympathique tout en étant instructive. D’autant plus que parmi eux figurait Marc Menant, journaliste de ma jeunesse toujours pertinent, surtout dans le domaine de la science.
Zemmour se démarquait des autres en ce sens qu’il avait deux éditoriaux au lieu d’un, et à chaque fois il les émaillait de citations pour mieux étayer son propos. Je notais distraitement les citations que je trouvais les plus percutantes, et en même temps, je me documentais sur les auteurs que je ne connaissais pas. C’était enrichissant. Jusqu’à cette soirée du mois de mai où je me suis rendu compte que mon carnet comportait plus de 20 pages de citations, et où j’ai eu l’idée d’en faire un petit livre. J’ai donc repris le travail à zéro, et j’ai visionné le replay de toutes les émissions avec Zemmour pour noter les citations les plus probantes. Je peux dire que tout mon été a été consacré au visionnage d’environ 200 heures d’émissions et de débats.
Dans la mesure où vous-même n’êtes pas spécialiste de la politique, quel angle avez-vous donné à ce livre ?
C’est un livre qui n’est ni à charge, ni à décharge. Au départ, c’était une simple liste, assez longue, de citations d’auteurs très divers, comme de Gaulle, Jacques Bainville, Victor Hugo, Mitterrand, Staline, etc. Tout est parti de là. Puis j’ai replacé chaque citation dans le contexte choisi par Zemmour, et inversement, j’ai placé chaque citation dans le contexte choisi par son auteur. Pour finir, j’ai ajouté une bio sommaire pour chaque auteur, sa photo et les principaux livres qu’il a écrits. C’est ainsi que le livre est né.
Pour résumer, je dirais que c’est un petit guide de lecture, certes orienté d’après les goûts de Zemmour, mais après tout, si Mélenchon avait cité aussi beaucoup d’auteurs dans ses discours, j’aurais fait le même livre sur lui aussi. Publier en même temps un livre sur Zemmour et un autre sur Mélenchon, ç’aurait été mon rêve !
Alors vous ne défendez pas spécialement les idées de Zemmour ?
Je ne suis pas militant politique, je ne l’ai jamais été, mais en tant qu’auteur et qu’éditeur j’ai toujours défendu le droit à la liberté des idées et je ne me suis jamais rebellé contre quelqu’un qui ne pensait pas comme moi. J’ai toujours essayé de comprendre sa position et d’échanger avec lui. D’une certaine manière, j’ai l’esprit voltairien. Je reste sans voix devant les débordements actuels de certaines minorités, comme par exemple les végans qui détruisent des boucheries. Qu’ils pensent une chose, d’accord et tant mieux pour eux, mais pourquoi vouloir à tout prix obliger les autres à penser comme eux ? Et pourquoi cette violence ? Cette attitude me dépasse, d’autant qu’au final, elle dessert leur cause. Elle relève de la dictature et devrait être punie (je crois qu’elle l’a été, d’ailleurs). On se sent tellement plus forts quand on a des opinions divergentes, des opinions qui enrichissent la vie ! Tiens, je vais faire mon Zemmour : c’est François Bayrou qui disait « Quand tout le monde pense la même chose, personne ne pense plus rien. » C’est tellement vrai, et je le répète, si j’ai choisi le métier d’éditeur, c’est parce que je veux donner la parole à des gens qui peuvent être en désaccord avec d’autres gens.
D’un autre côté, écrire des livres sur le poker, ce n’est pas tellement polémique…
Oui, mais que voulez-vous, il faut bien commencer par quelque chose. Cela remonte à ma passion étudiante. J’étais en deuxième année de Sciences Economiques à Nanterre quand j’ai écrit mon premier livre de poker, et si je l’ai fait, c’est parce que je n’avais pas trouvé de livre de poker satisfaisant. Je voulais écrire le livre que j’aurais voulu voir sur les rayons des libraires, et c’est ce que j’ai fait, et j’ai eu la chance d’être pris par les éditions Hatier. C’est juste le bout de la pelote, après il faut dérouler le reste, c’est passé par d’autres livres sur les jeux, sur l’illusionnisme, des traductions, bref je ne vous refais pas toute l’histoire de mes 35 dernières années, avec quelques belles réussites puisque « Poker Cadillac » et « La Bible du Joueur » dépassent chacun les 30.000 exemplaires. Il était normal, je pense, qu’un jour ou l’autre je m’écarte de mon sujet de passion pour me frotter à un sujet de raison. C’est le cas avec « Les 200 citations favorites de Zemmour ». Et je peux même vous annoncer que je prépare d’autres livres qui n’ont rien à voir avec les jeux, parce qu’avant d’être joueur, je suis citoyen.
Vous ne craignez pas de vous voir traiter d’opportuniste ? Les livres sur Zemmour sortent comme des champignons, c’est le grand buzz de la rentrée…
Si les livres sur Zemmour sortent comme des champignons, je ne vois pas pourquoi je serais disqualifié à en sortir un moi aussi. Et en plus, ce n’est même pas le cas, puisque j’ai commencé à l’écrire en mai, quand Zemmour était certes populaire, mais ne faisait pas encore parler de lui comme à la rentrée. Il faut rappeler qu’il a reçu l’injonction du CSA fin août et qu’il a décidé de quitter l’antenne à ce moment-là. Mais en mai, quand j’ai commencé le livre, il n’était candidat à rien, il était simple éditorialiste. Par ailleurs, le travail avec mon diffuseur fait qu’il faut déclarer un nouveau livre environ 3 mois avant sa date de parution, car c’est toute une mécanique commerciale un peu lourde qui s’enclenche après. Cela rend impossible la sortie d’un livre opportuniste. Si en mai on m’avait dit que Zemmour serait à 16% dans les sondages en octobre, évidemment que j’aurais fait le livre ! Mais à l’époque personne ne pouvait le savoir, et j’ai quand même fait le livre, je le répète, en visionnant 200 heures d’émission sous le soleil de l’été pendant que d’autres s’éclataient dans les vagues… J’y croyais, c’est tout, j’étais motivé à aller jusqu’au bout de ce livre, même si dans mon entourage certains pensaient que ce serait trop court pour une mise en production en octobre et une sortie le 17 novembre.
Pour terminer, comme responsable de Fantaisium, vous êtes à l’origine du label « Sans écriture inclusive ». Vous pouvez nous en dire plus ?
Si un jour l’écriture inclusive et les points médians s’imposent à nous, je m’y plierais parce que tout le monde s’y pliera, et qu’il faudra alors réécrire tout Hugo, tout Balzac, tout Zola, tout de Gaulle et pourquoi pas aussi les Évangiles. Mais pour le moment je revendique le droit de ne pas m’y plier, et là-dessus je reste libre d’utiliser ce que certains croient être une « langue qui ne veut pas changer »… alors que le français change tous les jours comme il l’a toujours fait.
Cette idée de label est partie de deux choses : j’ai appris qu’un confrère éditeur, et non des moindres, avait sorti des livres en écriture inclusive, alors que, rappelons-le, en 2021 elle n’est toujours pas autorisée officiellement. L’autre élément déclencheur est le droit du lecteur à choisir son texte. C’est déjà le cas dans l’agro-alimentaire. Vous voyez régulièrement des mentions comme « sans huile de palme », « sans conservateur » sur les emballages des produits dans les rayons des hypermarchés. Eh bien avec ce label « sans écriture inclusive », ce sera la même chose. Le consommateur qui achète un livre qui porte ce label sur la couverture sait d’avance qu’il ne trouvera pas d’écriture inclusive dedans. C’est une démarche consumériste, rien de plus, et j’appelle mes confrères éditeurs à l’adopter.
(Note : lire l'article consacré à ce sujet ICI)